CordrassKed'

1/ Vala Rhü (Partie 1)
[…]
Région de Rhü – proche de Vala – hiver

« Debout Frères, il y a du mouvement. Les kaegro reviennent. Erdran, va prévenir le capitaine qu’une nouvelle troupe arrive… »
« Bien Sergent. »
« Allez debout tout le monde, Hind nid dir kear ! »

C'était un hiver rigoureux, notre détachement de paladins de l’ordre de Guardal du comté de Gramlin avait été envoyé dans le Rhü, sur la route entre Nefva et Vala afin de la sécuriser.
En effet, des kaegro avaient mené des raids importants et le commandeur de la province de Rhü avait demandé le soutien de celui de Gramlin. La garnison de l’ordre ne répondait plus depuis des mois suite à ces rumeurs de raids de morts-vivants.

Partis il y a plusieurs semaines, cette nuit là, près de Vala, notre troupe fût attaquée par un groupe de kaegro.
Sang, combat, mort, après plusieurs heures de combat et le retour du jour, le bilan n'était guère brillant : sur la vingtaine d’hommes, nous avions perdu trois preux artiss de l’ordre et cinq autres avaient été blessés.

Nous avions alors fortifié tant bien que mal notre position en attendant le prochain assaut, déterminés à sécuriser le lieu et ne plus permettre à ces engeances du mal d’aller plus loin, jusqu’à les éliminer toutes, ou mourir. Telle était notre mission, pour notre Dieu et notre honneur.

« Sergent Ked’, les autres sont prévenus, le capitaine Rognloc a envoyé le lieutenant Eddeb à l’autre mur. Le lieutenant Kimald arrive avec cinq autres guerriers pour nous prêter main forte. »
« Bien, que Guardal nous vienne en aide, il est notre force, notre bouclier et notre guide »
« Ils arrivent !! Aux Armes !!»
Sjerit meyz Loex !!
[…]
Guardal guidait mes pas et mon épée…mais comment moi, CordrassKed’, ai-je pu en arriver là ?

2/Arux Liz
Village d’Arux liz – Montagnes du Comté de Gramlin -  6 ans auparavant

Mon père, Raghthroknaar thederked-sthiss, était le chef du clan Raghthroknaar, niché dans la vallée. Le froid et la glace étaient nos compagnons.
Notre village tenait son nom de sa localisation dans une vallée reculée où la neige n’en permettait l’accès que quelques mois dans l’année. C’est ainsi, dans une de ces nombreuses communauté sangdragon, que j’ai grandi.
Nous n’avions que peu de contacts avec les autres races sinon certains nains qui exploitaient les mines dans les montagnes et quelques autres clans de sangdragons d’argent. Kul puiné, de petite stature, je ne pouvais guère espérer prendre un jour la tête de mon clan. Dii Zeymah Raghthroknaar Bronthuswhi, lui, possédait la force, la sagesse et le privilège de la naissance.
La notoriété de notre clan n’était quant à elle plus à faire et mon père avait alors hérité du titre de Krin à la suite de ses nombreux combats au service du Comte. Il s’était ainsi élevé dans la hiérarchie draconique et comtale et alors, bien que modeste, notre clan était respecté de tous.



Ce jour-là, il y a six ans, Orgrim, un ami nain était en route depuis les mines de d’Ashgaw, redescendant la vallée d’Arux liz. Depuis mon enfance, je l’avais côtoyé et entendu me raconter ses récits de guerre. Il m’avait appris ainsi les rudiments de la langue naine en cheminant de longues heures ensemble sur les chemins de la vallée.
Alors que nous parlions et que nous cheminions le long de la vallée, nous croisâmes un groupe de trois Vaecaesin. Rien d’anormal jusqu’à que l’un d’eux provoque Orgrim, cherchant querelle sans raison sinon celle d’une Kah mal placée. Les êtres mortels sont parfois ainsi, insensés et provocateurs. En un rien de temps les mains succédèrent aux mots et dans la lutte qui s’ensuivit Orgrim trébucha sur le sol et chuta alors lourdement. Un bruit sourd se fit entendre et sa tête alla se heurter à un rocher. Tout se passa en un instant, sans qu’aucune autre personne n’ait le temps d’intervenir. Orgrim gisait immobile, un liquide rouge s’écoulant sur le sol…apeurés les Vaecaesin prirent la fuite ne voulant pas être accusés du meurtre, me laissant seul à côté d’Orgrim, inerte…et je n’avais rien fait.

Rahgol, Paaz, Rahgot, tout cela se mêla en moi, un sentiment brûlant m’envahit alors et comme guidé par une soif de vengeance je me lançais à la poursuite des Vaecaesin. Ils avaient alors rejoint deux autres de leurs amis…
- « Arrêtez-vous ! vous devez payer le prix du sang. Vous avez assassiné Orgrim, Vethurirl Tundar! »
- « Que raconte-t-il celui-là ? » dit l’un des nouveaux protagonistes.
- « Ne l’écoutez pas il déraille, ce jeune sangdragon doit avoir son sang maléfique qui le tourmente ! » répondit un des tueurs.
- « Je ne déraille pas Vaecaesin ! je vous ai vu Svent Vur Osvith ! et ça je ne peux le permettre ! »
- « Tu nous agaces ! et que vas-tu faire ?! un être qui n’a pas su protéger un ami, que pourrait-il faire désormais ? »
Et, dégainant une dague il s’avança sur moi, s’apprêtant à me frapper. Sans réfléchir ma gueule s’ouvrit et un souffle glacial s’en échappa…le Vaecaesin s’écroula telle une pierre sur le sol…
Reprenant mon souffle, je défiais alors les autres du regard, à la fois apeuré et sur mes gardes, m’attendant à un assaut des autres. Mais tous étaient restés immobiles et mes yeux dorés le voyaient bien. Chacun se demandait qui allait être le prochain. Je n’étais peut-être qu’un jeune Drass mais mon souffle, ma force et mes griffes représentaient une menace concrète pour quatre Vaecaesin vagabonds.
Finalement ils prirent la décision de fuir par les bois en abandonnant leur frère gelé au sol. Je restai un là un long moment immobile, le regard vide, la main contre un arbre pour ne pas m’écrouler…la colère m’avait quitté, j’étais seul, et il ne me restait qu’à rejoindre Orgrim ne sachant ce que je ferai une fois de retour….

A mon retour Orgrim était assis par terre, la tête dans ses mains. Nahlass ! je n’en revenais pas. Qu’avais-je donc fait ! et que pouvions-nous désormais faire ? Nous n’étions qu’à quelques heures de marche du village et la solution la meilleure nous semblait être de rentrer. Tout le long du chemin je ne dis rien à Orgrim de ce qui s’était passé, qu’aurais-je bien pu lui dire ? que je n’avais rien fait puis que j’avais tué un des agresseurs ?

Le lendemain matin, au village, une troupe s’était agglutinée en son centre et de grands bruits confus s’en échappaient.
« CordrassKed’ ! CordrassKed’ ! » cria mon père.
J’accouru le rejoindre dans la pièce principale de la maison alors que la porte claquait derrière lui.
- CordrassKed’ Los Het ! est-ce vrai ce qui se dit en ce moment ? une troupe du guet de Shamarn est arrivée ce matin suite aux dires de plusieurs de ses habitants. Il semblerait qu’hier tu aies assassiné un Vaecaesin ? ils sont venus te chercher pour t’emmener et te juger…
- Vahsen père j’ai tué une personne hier, mais…
- il n’y a pas de mais qui tienne ! qu’as-tu donc fait !?
- ils avaient attaqué Orgrim ! et l’avaient tué ! enfin non…enfin, poussé contre une pierre et…
- SSej Kul !  Turalisjth CordrassKed’, nous ne devons pas nous mêler des affaires entre Vaecaesin nuz Tundar !
- Je ne pouvais pas voir Orgrim mort sans réagir père ! je ne voulais pas le tuer mais il s’apprêtait à me frapper moi aussi et je me suis défendu ! je ne voulais pas sa mort mais uniquement qu’ils soient jugés….

La situation était délicate. Mon clan était respecté et connu de tous, et un tel acte pouvait signifier le bannissement de celui-ci. Mon père ressorti et alla voir les gardes du guet. Puis revint à la maison.
- Père je te prie de me croire, je…
- Ssej ! je te crois mon fils. Je te connais et je sais que nous n’avons qu’une parole et que ne sommes pas des tueurs sanguinaires quoiqu’en disent d’autres. Il va falloir agir vite. Monte, prépare un sac, une couverture et de la nourriture et sors par la fenêtre. Fuis dans les montagnes. Nous nous retrouverons dans la mine désaffectée de Rinkhaaf. Sjerit Gethrist !

Trois jours plus tard je vis mon père, mon frère et le doyen du clan arriver à la mine où je les attendais.

- Kul CordrassKed’, nous sommes là pour t’informer de ce qui se passe. Le guet te recherche et les Vaecaesin t’ont accusé. Malheureusement Orgrim était inconscient et ne peut ni confirmer ni infirmer ce que tu dis sinon que trois des Vaecaesin, dont celui décédé, étaient bien présents. Nous ne pouvons rien faire pour toi…
[…]
Il va te falloir fuir la vallée et rejoindre Flamlin par tes propres moyens. Là-bas tu trouveras de l’aide chez les sangdragons présents en ville. Je leur ai déjà envoyé un pli expliquant la situation. Tu y seras bien accueilli. De notre côté nous avons soutenu le fait que tu as fui et que tu clamais ton innocence sans pouvoir faire plus. Cela permettra au clan d’être relativement épargné et d’apaiser les Vaecaesin.
Bonne chance mon fils !
Tiens ! prend aussi cet anneau avec toi. C’est un anneau magique de notre clan. Il t’apportera protection et bénédiction. Il t’ouvrira aussi certaines portes. Seuls les plus méritants des guerriers sangdragon ont reçu un tel anneau, il montrera aussi ton origine et ta droiture. Tu feras un grand guerrier je n’en ai aucun doute.
- Merci père !
- Et maintenant va ! et ne te retourne pas ! tu n’existes plus pour nous ! va, CordrassKed’, va ! Sil Kosil Vyth !




Sil Kosil Vyth…Cœur de Métal…Sil Kosil Vyth…ainsi mon père en me disant adieu venait de m’apporter sa bénédiction en m’accordant un nom nouveau parmi les nôtres.

3/ Flamlin
J’arrivais après quelques semaines de routes à Flamlin, capitale du comté de Gramlin. Suivant les instructions je rejoignais discrètement un groupe de Drass installé là.
Cela dura un peu, malheureusement je ne pouvais rester éternellement et me devais de trouver une solution. En discutant avec Fegelsithonvha, le chef de la représentation des Sangdragons une seule solution s’imposa.
- Ecoute CordrassKed’, pour l’instant dans une grande cité tu es passé inaperçu. Toutefois cela ne durera pas. Un présumé meurtrier n’est jamais laissé tranquille et ils finiront tôt ou tard par venir te chercher par ici.
- Paaz los.
- En souvenir des combats menés au côté de ton père et de la confiance que je lui accorde je t’ai accueilli. Mais si tu es découvert ici c’est tous les sangdragons qui pourraient en subir les conséquences.
- …
- Je vois une solution… Fais-toi oublier et deviens un guerrier de la foi. Bensvelk Vahzen. Tu seras difficilement repérable dans un ordre et ton passé importe moins que ta droiture et ta bonté de cœur. Ainsi tu voyageras et qui sait un jour tu pourras revenir.

C’est ainsi que se scella ma destinée et que je partis rejoindre la légion de Guardal. L’ordre des Paladins de Guardal plus précisément. C’était pour moi un nouveau départ.
Ainsi, le lendemain, dès l’aube, alors que la brume dérobait encore à nos regards les cimes des plus hauts bâtiments, je quittais la maison de notre représentation et me dirigeais vers cette immense bâtisse qui s’élevait droit vers le ciel.

Le temple de Guardal était l’un des plus imposant de Flamlin. Une multitude de croyants allaient et venaient pour prier et faire des offrandes quelle que soit l’heure, jour comme nuit.
J’abordais alors un des moines présents. Il était assis telle une statue sur un banc à distance des oreilles qui auraient pu traîner. A mon approche il se tourna doucement, d’un quart de tour et demanda d’une voix calme et basse :
- Que souhaites-tu pécheur, pour racheter ton âme, et te rendre digne de Guardal ?
- Je désire lui dédier mon bras et ma vie !
Ma réponse avait jailli tel un automatisme.
Mais lui resta silencieux, un instant, un long instant, sans détourner son regard de mes yeux.
- Hmmmm…ton cœur et ton âme semblent sincères. Suis-moi, je vais te mener au Frère commandeur chargé de l’Ordre des paladins ici. Lui seul décidera de ce qu’il en sera…

4/ Guardal
Ainsi débuta mon entraînement au sein de l’Ordre des Paladins de Guardal. Jeune aspirant j’apprenais le maniement des armes et de mon esprit.
Prières, entraînements, vie en communauté s’enchaînaient jour après jour sans discontinuer. Ma constitution et la réputation des sangdragons au combat m’avaient permis de vite progresser et seulement 6 mois après mon entrée dans les Ordres je pouvais accompagner des Frères dans les missions de garde dans la ville ou à l’entrée des lieux saints.
Je n’étais pas encore ordonné et étais encore moins un paladin, n’ayant de plus aucune expérience au combat, mais je débutais ainsi mes premières missions au service de Guardal.

Le temps passait, je me renforçais dans ma foi et dans ma force. Discipline, justice, protection de Guardal étaient mon credo.

Toutefois un matin, alors que j’étais missionné à la garde devant le grand temple de Flamlin une voix s’éleva : « Je le reconnais ! c’est un meurtrier ! il a tué mon ami il y a de cela un an environ près de Shamarn !! », tout de suite un cercle se forma autour de moi et des deux individus qui criaient sans discontinuer devant la porte principale du temple.
Mes efforts pour calmer la situation furent inutiles et en moins d’un quart d’heure une foule immense était rassemblée là.
Mais soudain, aussi rapidement que la mêlée et la cohue s’était faite, le silence se fît, sauf pour les deux elfes qui continuaient à crier… et il était lourd ce silence, pesant.
Surgirent alors le grand Sunathaer du temple accompagné du commandeur paladin de la cité et de plusieurs autres clercs et frères artriss. Autant voir le grand Sunathaer en public était rare autant voir un paladin supérieur était chose rarissime…
- SILENCE ! tonna le commandeur.
Se tournant vers moi il ajouta :
- Aspirant ! les accusations qui sont énoncées là sont gravissimes et inaudibles pour notre Dieu et notre Ordre. Parle mais n’oublie pas ton serment ! en cas de mensonge je t’exécuterai moi-même !
Plus un bruit n’échappait alors de la foule, une chape de plomb s’était abattue aux alentours et tous les yeux étaient tournés vers moi, guettant ma réponse.
De longues secondes s’écoulèrent.
- Commandeur, ce que disent ces hommes est faux. J’ai tué un de leur compagnon mais ce n’était pas un crime ni un assassina. Seule la justice et la protection guidait alors mes actes.
Le commandeur resta figé, me fixant du regard puis se tourna vers les deux elfes.
- Et vous qu’avez-vous dire ? accuser un guerrier de Guardal d’un crime n’est pas anodin ! pour vous comme pour lui ?
- Il a lâchement assassiné notre ami pour le voler, il doit être jugé et pendu !
- Soit ! Guardal sera seul juge….
Un bruit sourd se fît alors entendre lorsqu’il dégaina son épée.
- Guardal, protecteur de la justice et pourfendeur du mal, guide notre décision !
Approchez tous les trois…
Le cercle de la foule s’agrandit alors et un rang de soldats de Guardal se mit entre elle et nous. Seuls restaient au milieu le commandeur, le grand Sunathaer et nous trois, accusés.
Il planta son épée à la verticale dans le sol et dit d’une voix claire et forte :
- Et maintenant à genoux. Posez votre main sur la lame de l’épée.
Chacun des trois empoigna la lame du commandeur qui commença alors une incantation dans un langage mêlant le commun et le sacré. Une lumière soudaine jaillit alors de l’épée telle les premiers rayons du soleil perçant le ciel à l’aube.
- Guardal, moi Tancrède, commandeur de ta Foi, fais de moi ton inquisiteur et châtie le mal présent ici parmi nous.
Ici, et maintenant !
La lueur de l’épée devint alors éblouissante, les gens alentours détournaient le regard, ne pouvant fixer l’éclat de celle-ci.


Soudain une vague d’énergie s’échappa de l’épée et nous entoura, nous souleva tous les trois du sol alors que le commandeur priait sans interruption. A l’instant où il cessa de prier, la lumière nous quitta et retourna dans l’épée alors que nous retouchions terre.
- Tel est donc ton jugement, O Guardal…
A l’instant même, les deux elfes s’écroulèrent sans vie au sol, restant le seul debout.
- Guardal a châtié les impies et les menteurs. Quant à toi Aspirant ! laisse-moi désormais t’appeler Frère !

Je venais officiellement de rentrer dans l’ordre des paladins en tant que frère chevalier.

5/ Mériac

Les années suivantes furent plus éreintantes que la vie de garde du temple à Flamlin. Promu jeune frère chevalier, je fûts dès lors rapidement envoyé vers un fort dans les comtés aux marches nord du royaume, dans le Norven, proche des passes de Kraod. Là-bas mon aptitude au froid allait m’être d’une grande utilité.

Je poursuivais dès lors mon entraînement aux armes. Guardal veillait sur nous et notre perfectionnement militaire était notre objectif, pour la plus grande gloire de Guardal et la protection des âmes pécheresses.

C’est dans ces terres du nord que je fis mes premiers Vukhein et escarmouches contre les forces du mal. Morts-vivants, possédés et mêmes certaines bêtes du chaos.
Je restais plus en retrait et apprenais de mes frères et surtout de nos frères paladins. Devenir Paladin était un honneur qu’il fallait mériter. Peu de légionnaires de Guardal accédaient à ce poste et certains pouvaient passer leur vie en tant que frère sans jamais parvenir à cette distinction. Seuls ceux devenus paladins pouvaient espérer accéder aux plus hautes fonctions, choisis qu’ils étaient par Guardal.

Le capitaine du fort, Mériac, était un officier paladin respecté et rompu aux combats dans ces contrées gelées. Avec ses lieutenants, Sergents paladin et autres frères il organisait régulièrement des expéditions au-delà de la passe afin d’affirmer la puissance de Guardal. L’objectif en était autant religieux que politique. Participer à la protection de la frontière et à l’évangélisation de la foi apportait crédit et richesse à notre ordre et au clergé de Guardal.

Patrouilles, prières, combats, offices, inquisition, évangélisation mais aussi partage, protection des opprimés et sacrifices pour la justice et l’expiation du mal rythmaient mes jours et mes semaines.
Finalement, un jour le capitaine Mériac proposa mon nom parmi les candidats au titre de Paladin. Beaucoup furent étonnés mais très peu choqués. Ma renommée dans le fort était faite. Ce fût davantage le Sénéchal de l’ordre qui hésita à présenter mon nom auprès du Grand Maître. Mais la réputation de Mériac apportait du crédit à cette proposition.

Ainsi, l’hiver suivant, au solstice, nous reçûmes la visite d’un Sunathaer supérieur de Guardal. Le solstice était le jour des ordinations des paladins de Guardal, symbolisant notre engagement au plus profond de la nuit afin de faire triompher la lumière, même lorsque tout espoir sera perdu.

Je fûts envoyé seul au-delà des passes de Kraod et après 3 jours dans les steppes je revins. Un éclat de glace éternelle autour du cou. Guardal m’avait guidé et accepté comme un de ses représentant et défenseur.

Mon destin changeait alors, je repartis avec le Sunathaer supérieur et je recevrais alors ma nouvelle affectation dans une autre contrée. Je remerciais Mériac et mes frères pour leurs conseils et leur bienveillance à mon égard pendant cette période d’initiation.

Et c’est ainsi que je montais progressivement les échelons de la légion de Guardal.
Avec le temps, de Frère-Paladin je devins Sergent.

6/ Vala Rhü (Partie 2)

Suite au combat dans le Rhü sur la voie de Nefva à Vala j’acquis mon rang de commandeur des chevaliers.
En effet, les Kaegro avaient anéanti la garnison vers laquelle nous nous rendions afin de les renforcer. Dans l'embuscade le capitaine et les lieutenants avaient confié leurs âmes à Guardal mais nous n’avions pas rompu. Avec quelques frères nous avions tenu bon et après plusieurs soirs à combattre nous avions vaincu. Fatigués, usés mais victorieux.
Je pris alors la tête des quelques frères survivants et nous atteignîmes le fort afin d'y rétablir une garnison. Compte-rendu fait aux commanderies de Gramlin et Nefva, il s’avéra que cette vague avait été dirigée par un Loex Arcaniis Vorastrix et que nous avions permis, par notre résistance, au détachement ducal de vaincre l’armée principale du Vorastrix.

En remerciement, le Duc de Rhü fit élever un temple à Guardal sur les lieux des deux combats et je fûts proposés au titre de lieutenant au sein de mon ordre.
L'honneur était immense et il m'importait alors de choisir quel serait mon credo au service de Guardal. Il m’apparut telle une évidence que la piété s’imposait à moi. Ma survie, mon honneur, mon élévation depuis le départ de mon village, tout avait été un don de Guardal. Je dédiais donc ma vie à Guardal et à la lutte contre ses ennemis : Loyauté, Protection, Humilité, Courage, Détermination. Tel serait désormais mon credo, non pour moi mais pour mon Dieu.

La cérémonie se déroula dans le temple, quelques semaines après mon retour du fort. Les nobles, des officiers de l'ordre et les grands prêtres; tous en tenue de cérémonie, recueillis et étincelants. Le temple était décoré pour l'occasion, tentures et étendards. La foule était amassée dans le temple et en débordait à l'extérieur, priant et chantant. "Guardal ! Guardal !" L'atmosphère avait quelque chose de mystique.
Lors de l'allégeance, je reçus comme une illumination et compris enfin d’où venait cette force qui émanait de nos officiers Paladin. En effet, les commandeur-paladins, quel que soit leur rang (chevaliers, château, cité ou province) semblaient dégager une aura particulière.
Je compris, à la minute de mon serment à Guardal, que la force de mon Dieu venait de m’envahir. Je n’étais plus un simple guerrier mais aussi un clerc et un prêcheur de sa foi.
Le commandeur de la province de Gramlin m’initia alors aux fondements des incantations. Force indispensable qui allait dès lors me permettre d'invoquer mon dieu au combat afin qu'il se tienne à mes côtés et me prête sa force.
Il m’expliqua devoir trouver un objet qui m’aiderait à prier Guardal et à me concentrer lors de mes invocations. L’éclat de glace éternelle s’imposa à moi. Il avait été le symbole de ma naissance en tant que paladin, il allait devenir le catalyseur de la puissance de Guardal en moi. Je le fis sertir dans un anneau d’argent qui ne me quitterait plus.


Je rentrais dès lors dans le cercle restreint des Paladins assermentés mais le chemin pour maitriser cette nouvelle force serait long et seul Guardal pourrait m’y être un guide sûr.

7/ Ysterilhya

J’étais donc confirmé en tant que commandeur des chevaliers de Guardal avec le titre de protecteur de la voie Royale de par mon fait d’arme dans le duché de Rhü, au même titre que les officiers de l’armée ducale ayant combattu le reste de l’armée des sans-vie.

Encore jeune, j’allais être très certainement envoyé dans une nouvelle garnison, peut-être dans le duché de Yelin ou de Talban afin d’acquérir de l’expérience et faire mes premières armes d’officier en tant qu’adjoint d’un commandeur de château ou de cité. Mais il en fût décidé autrement. Au lieu de servir mon Dieu et d’aider mes frères je fûts détaché auprès du Roi Khalidan. On me demanda donc de cheminer de Flamlin à Talbeth-Hav afin de prendre mes futures instructions auprès du commandeur de la province d’Ystaad.

Avant de partir pour Talbeth-Hav, j’eus le temps d’écrire à mon Village d’Arux liz et à ma famille. Depuis mon départ il y a 6 ans je ne leur avais pas donné de nouvelles, bien que les sangdragons de Flamlin les avaient tenus en partie informés de mon entrée dans les Ordres de Guardal sans plus de précisions.
Ainsi j’avertis mon clan de mon élévation au rang de lieutenant-Paladin et de mon départ pour Talbeth-Hav, je n’étais plus désormais un paria et pouvait m’enorgueillir d’étendre la renommée de mon clan. Ils me retrouveraient sûrement si besoin au sein d’un temple ou pourraient me joindre en m’adressant un courrier via l’ordre. Cette possibilité était aussi l’un des nouveaux privilèges d’être officier de l’Ordre des Paladins.

Arrivé à Talbeth-Hav, le commandeur d’Ystaad me demanda de prendre la tête d’un détachement de quelques frères afin de rejoindre le Roi qui était parti pour le duché de Talban. Je devais servir d’intermédiaire entre le pouvoir Royal et notre ordre. Cela me permettrait aussi d’acquérir de l’expérience en tant que jeune commandeur sans à être exposé à des situations tendues proches des zones de combat. Le Roi ne s’exposait que rarement et ses armées ainsi que sa garde rapprochée assuraient une défense suffisante pour que ma délégation ne soit pas menacée.

En traversant la forêt de Talban, alors que nous chevauchions vers le Roi, je croisais une troupe du guet en chemin vers Yeha. Après les salutations et les bénédictions de rigueur, le chef de la troupe me demanda de l’aider à escorter son convoi qui avaient subi l’assaut de nombreux brigands de la forêt. Déjà missionné je ne pouvais accepter de dérouter ma mission sans ordre de mon supérieur ce que je fis toutefois, ne pouvant ignorer les requêtes d'aide face à des dangers.
Seules quelques escarmouches survinrent mais qui ne menèrent jamais au combat finalement. Face à notre escorte, bien que faible, les troupes adverses semblaient éviter le combat. Notre présence au côté de la troupe fût dissuasive et finalement la mission allait se révéler être plus simple et rapide que prévue. Après quelques jours une nouvelle attaque survint à l’avant du convoi. C’était la première attaque en règle et celle-ci fût brève.

A peine avais-je atteint le lieu du combat que je tombais face à Ysterilhya, le Maréchal de notre Ordre. Elle me regarda du milieu des cadavres qui l’environnaient. Le reste des membres du guet étaient achevés par d’autres frères de notre Ordre qui composaient son escouade, pas un soldat du guet en réchappa.



Je ne comprenais, je ne comprenais plus. Pourquoi mon ordre venait-il de décimer une troupe du guet?

Le chef du guet qui avait demandé mon assistance s’avéra n’être autre qu’un brigand. Suite à cela la rumeur s’était répandue comme quoi un paladin de Guardal aidait une troupe de brigand à s’évader de la forêt en les protégeant face aux tentatives d’arrestation. Cela était suffisamment grave comme rumeur pour y dépêcher rapidement une troupe de l'ordre.

Pour avoir désobéi en déviant de ma mission et m’être laisser berner, et, ce qui était plus grave encore, pour y avoir entraîné des frères de l’ordre, j’étais condamné et sommé de laisser là ma charge pour partir dans les îles Smitin. J’y étais envoyé en inquisiteur, seul, tel un paladin errant. Afin d’y renforcer ma foi, ma clairvoyance et mon obéissance ; la punition était dure. Rarement un commandeur avait été démis de sa charge pour être exilé seul aux frontières du royaume.
Ne souhaitant pas ternir l’image de mon ordre dans une querelle stérile, je me retrouvais donc, à Smitin, seul.

[…]

J’occupais un poste isolé sur une des îles de Smitin. Simple tour de bois ceinturée d'une palissade, abandonné depuis plus d'une décennie, il tombait en ruine. Une vraie punition pour un officier paladin d'y tenir garnison seul, reclus, isolé. Mais je décidais de ne pas m'abandonner, j’y développai mes aptitudes à combattre seul, sans autres frères à mes côtés. Mon ascétisme renforça ma foi et mes pouvoirs, jamais mes liens avec Guardal n’avaient été aussi forts. La punition se transforma pour moi en une bénédiction.



Ce petit poste abandonné était devenu mon refuge, à la force de mes bras et l'aide de quelques habitants je réparais le poste afin de la remettre en état. Je m’astreignais à un entraînement quotidien rigoureux, à un emploi du temps soumis à une discipline de fer. Seules changeaient de l’ordinaire mes patrouilles plus ou moins longues et les quelques frères de passage occasionnellement. Deux années s’écoulèrent ainsi.

Un matin de printemps, un frère arriva, porteur d’un pli. J’étais relevé de mes fonctions et appelé à rejoindre la Compagnie du Dragon. Après enquête, l’ordre jugeait que je pouvais être pardonné et réhabilité, jugeant que cette punition, nécessaire afin de laver l’ordre de tout soupçon, était suffisante. Cette expiation pardonnait mes fautes passées et ce que j’avais enduré deux années durant me permettraient de revenir dans l’ordre plus fort. Conscient enfin de ma faiblesse et de mon inclinaison au mal inhérents à notre état d’êtres pécheurs.