Journal de Brume

An 316, 36 ème jour du Printemps
Fureur des assauts,
L’espoir s’étiole dans la mort.
L’ombre de l’échec.

Je crache du sang. Une bile noire et corrosive fume sur le sol.
Le monde tourne. J’entends au loin le fracas des combats qui se poursuivent. Ipsolathraxas vole encore… Son triomphe est proche… Notre échec.

Non.
Mon échec.

Brume.

Pourquoi ?

Brume.

Morn…Je ne suis…

Brume !
A l’oubli de la mort, tu as préféré vivre avec ton échec. Tu es marquée. A jamais. Mais souviens-toi des enseignements de Vargar.

Vargar…

Combien d’échecs dans ton noviciat, combien de chutes ?

Comb.. Plus que je n’en peux compter.

Combien de morts pour Saint Cestax ?

9.

Aujourd’hui tu es morte une fois. Regarde vers le ciel, laisse la pluie laver ton corps brisé, laisse la douleur purifier ton âme. Il reste un combat à mener, une mort à aller chercher. Et fais qu’elle compte. Pour toi. Pour tes compagnons.

Le vide en moi sera la pierre sur laquelle je bâtirai ma foi.
La douleur et la honte tremperont mon être.
Jusqu’à la fin.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 36 ème jour du Printemps
Vulnerant omnes,
Vaincue, la Bête n’est plus.
Ultima necat.

Morn ? J’ai survécu… Ai-je eu peur de mourir ?
Suis-je encore digne de porter ton signe ?
Le triomphe a un goût amer pour moi…

Que lis-tu sur le visage de tes compagnons ?
La joie, l’exultation, le soulagement… La victoire.
Et en toi ? Le vide de l’abysse. Et dans les ténèbres insondables, l’ombre de la terreur menace d’éteindre la flamme de ta Foi. D’engloutir ton âme.

Non ! Morn ! Je…

Tu es perdue Brume. Que feras-tu pour retrouver la lumière ? Y arriveras-tu ?

Ma voie… Morn. Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux.
Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux
Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux
Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux
Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux
Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux
Des cendres je suis le héraut. Des âmes je suis la faux

Brume, détourne ton regard de l’abysse, le devoir n’attend pas. Tu as des âmes à accompagner.

Oublie la peur. Oublie la douleur. Oublie le vide. Tes états d’âme ne sont rien face au service de Morn. Ne regarde pas les autres. Fais ton office, hiérophante.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 37 ème jour du Printemps
Malheur aux vaincus,
Par le fer et par le feu.
Malheur aux vainqueurs.

Teadon ! Quelle folie ! Quel Dieu cruel pour lui imposer pareille épreuve ? Quel destin est tissé pour toi, Ô trois-fois-né ? Paies-tu le prix de ta rencontre avec Saint Cestax ? Ou le prix de ma folie ?

Brume, regarde où tes actes vous ont mené ! Tu sers un dieu dont tu n’es pas digne ! Et tu voudrais avoir un disciple ? Pour effacer tes fautes ? Elles sont marquées en toi, à jamais !

Mais j’ai survécu… Pourquoi ? Nul ne survit à l’échec… L’ordre le sait… Est-ce pour ça que l’on t’a proposé l’épreuve ? Car tu devais échouer et expier ?
Non… Cela ne peut…
Et pourtant. Tu n’es pas Mrin. Qui verrait en toi un prophète ? Tu erres sur une voie que tu espères te mener à l’illumination, sans savoir si le prochain tournant ne te mènera à la damnation !

Je sers Morn.
Tu sers l’Ordre.
C’est la même chose.
En es-tu si sûre ?

Vargar, aide-moi, je ne sais où aller.
Cestax, guide-moi, je suis égarée.
Morn, accueille-moi, je suis perdue.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 43ème jour du Printemps
Regarder la Mort
En face et ne voir que soi.
Tuer. Mourir. Vivre.

L’aube se lève. Je vis.
J’ai vaincu. Je me suis vaincu. Ne pas renoncer, tomber, se relever. Telle est ma voie.

Une voie… Où te mène-t-elle, Brume ?

Je ne sais plus. L’illumination ?

As-tu vaincu ou as-tu été vaincue ?

Je… Je ne sais pas. Pourquoi m’as tu abandonné Vargar ? J’ai tant besoin de conseils.

Tourne-toi vers celui qui peut te donner ce que tu ne peux attendre que de toi. Si tu crois encore en lui. S’il croit encore en toi.

Pourquoi me tortures-tu ?

Pourquoi te tortures-tu ?

… Morn. Je suis ton humble servante. Donne-moi la Force de suivre la voie des cendres. J’avance dans l’ombre du doute, mais je ne ferai pas demi-tour. Morn, entends ma prière.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 44ème jour du Printemps
Instant suspendu,
Les héros de Phandaline.
La gloire éphémère.

Des héros. Haute bannière sauvée, et nous récompensés…

Et qu’as-tu fait pour ça, Brume ?
J’ai échoué à mourir.

Et pourtant… Il est toujours là. Il me parle, il parle à travers moi, les autres le voient derrière moi.
Je ne comprends pas.

Tu as fini par vaincre, Brume. Ou bien cette victoire est-elle un autre échec ?
Ton sacerdoce n’est pas terminé. Il n’appelle pas les rires ni les ovations. Reprends-toi. Laisse la gloire et la fortune à ceux qui les goûtent, et continue ton chemin. Marcher dans les cendres n’a jamais été aisé…

Seule…

Seule ? Vraiment ? En es-tu si sûre ? Regarde autour de toi.
Cesse de t’apitoyer. Accepte les épreuves. Trempe ta foi dans l’échec et la douleur. L’indolence et la mélancolie ne font pas avancer vers l’illumination. Suis le chemin tracé par les griffes. Lève-toi, hiérophante et fais ton office.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 50ème jour du Printemps
Dans l’oeil du cyclone,
Instant préservé, renaître.
Une fleur dans la cendre.

Il m’a entendu. Il m’a parlé.
Jamais je ne pourrai lui rendre autant qu’il ne me donne, mais chaque pierre posée le renforce. L’Ordre a désormais des racines à Haute Bannière. Je peux être chassée de ma chambre, nul ne bravera le courroux de la Camarde.

Je suis… calme. Bien plus calme que je ne l’ai jamais été. Je ne sais si cela durera, mais je savoure ce moment d’équilibre. J’en ai presque la tête qui tourne.

C’est la joie d’être acceptée. Ou le résultat de 5 jours de jeûne et de flagellations, Brume.

Je ne gâcherai pas ce moment… J’ai senti un bref instant l’infini. Ne faire qu’un avec Morn. Ne plus craindre la mort, être la Mort. J’ai vu ce qui m’attend au bout de ma voie. Si je triomphe des épreuves.

Bien. Il est donc tant de reprendre la route. Nombreux sont ceux qui se sont arrêtés pour préférer savourer à jamais cet avant-goût plutôt que d’accomplir le reste du chemin.

Juste un peu, encore… Je ne l’ai peut-être pas mérité, mais je l’ai gagné.
Prends ton temps, Teadon…

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 52ème jour du Printemps
Terreur éthérée,
Mélodie au coeur de glace.
Funeste espérance.

Augure mystérieux. La Banshee n’a su jeter qu’une obscure clarté sur le chemin à prendre…
Tu l’as entendue. Tu connais le pouvoir des oracles. Tu connais le poids du Destin.
Oui… Mais cela ne se peut…
Pourquoi ?
Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je ne suis qu’une humble servante égarée dans une quête qu’elle a volontairement échouée…

Brume. Même dans l’échec tu as triomphé.

Je n’aurais pas réussi seule.

Qui a dit que tu devais être seule ? N’as-tu donc rien retenu des enseignements de Vargar ?

Oui… C’est vrai. Bien. Ne me reste plus qu’à ne pas mourir. Tu parles d’une prophétie…

Crois en toi. Crois en tes amis. Crois en Morn. Le Destin est écrit mais le chemin est à tracer.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 54ème jour du Printemps
Reprendre la route,
Vers la civilisation.
L’aventure appelle.

Maudite carne. Elle a encore essayé de me mordre. On dit que les animaux savent d’instinct identifier les êtres surnaturels et maléfiques… Si cela est vrai, que dois-je en conclure ?

Que tu es d’origine surnaturelle. Mais guère besoin d’un cheval à mauvais caractère pour s’en rendre compte, Brume.

Je sais. Comme je sais aussi que je n’aime pas monter à cheval.

Vois ça comme un pas de plus vers l’Illumination, les douleurs forgent le corps et trempent l’âme.

Je ravale mon fiel, il y plus grave que les escarres et les muscles endoloris. Je suis inquiète de la proximité de Kruk avec le Peuple Fée. Ils sont capricieux et changeants et ce qu’ils donnent d’une main peut être repris au centuple de l’autre. J’espère sincèrement qu’il sait ce qu’il fait… Mais je préfèrerais mille fois traiter avec un Fiélon qu’avec une Fée…

En parlant de Fiélon… Tête-de-Cheval a frappé. Pourquoi ces assassinats ? Je ne saisis pas ce qui le motive… Encore une source d’inquiétude. Mais peut-être est-ce pour le mieux ? Je ne pense pas qu’il soit dans l’intérêt des hommes de revenir à Arbrefoudre. Qui sait, c’était peut-être le Destin de ces malheureux de périr par la lame pour préserver la communauté.

Décidément, nous avançons au milieu des Ombres et je n’ai qu’une seule certitude : point de repos pour qui sert Morn. La Mort précède les Hérauts des Cendres, elle les attire comme les charognes attirent les corbeaux.
Alors que je marche vers Talbeth-Hav à la rencontre de mon destin, je ne peux m’empêcher d’y songer : quel cataclysme y trouverons-nous ? La Mort plane au-dessus de la capitale, je le sais, je le sens. Et ce bouclier que nous portons… En sera-t-il le catalyseur ?

Si les Dieux en ont décidé ainsi, je serai leur instrument.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 56ème jour du Printemps
Frontière brouillée,
A vos risques et périls.
Contemple Unseelie.

Je sens encore ses crocs autour de ma gorge. Maudite engeance. On me reparlera du Peuple Fée ! Krul a beau dire que les Chapeaux Rouges sont une exception, j’ai grand mal à croire que cette rencontre soit le fruit du hasard… Sans Novembre, j’étais bonne pour aller voir de l’autre côté du voile si Morn veut bien peser mon âme…

Morn… Ou Cestax ? Le rêve de Teadon est bien étrange. Et ce qu’il implique… Perturbant. Pourtant, cela pourrait faire sens… Non ?

Brume…

Saint Cestax a incarné Morn sur le plan matériel, si l’on en croit certains textes.

Brume.

Et on se réfère souvent à lui comme l’Avatar de Morn. Si l’on en croit certains théologiens… Gatepreu, par exemple, qui soutient que l’essence d’un Dieu se manifeste, le compose, même, uniquement selon la force de ses croyants et qu’ainsi, le conduit d’une telle ferveur pourrait littéralement incarner le concept et devenir ce Dieu qu’il révère. Et alors, selon cette théorie… Cestax serait Morn ?

Brume !
Gatepreu est un apostat ! L’ordre l’a excommunié il y a longtemps. Pareilles théories pourraient te valoir un deuxième sourire au fond d’une cellule dans une nécropole oubliée. Tu sais ce qu’en dit la Bulle de Cendre. tu l’as suffisamment étudiée.

Je sais aussi que cette position officielle n’est pas si hégémonique que le conseil intérieur veut bien le faire croire. Vargar lui-même…

Est mort.

Mais Grancolline Elfe-Libre soutient aussi cette théorie. Je crois.

Tu… Crois ? Tu crois ? Et crois-tu aussi que cette croyance te protégera des lames des assassins ?

Ce ne sont que des rumeurs.

Brume. L’ordre ne juge pas, mais il peut condamner. Et pour ça, il faut des bourreaux. Des exécuteurs des basses œuvres. Tu es bien placée pour savoir que l’ordre place ses pions en Alarian depuis l’époque de Saint Cestax lui-même.

“Cachés en pleine lumière, vous préparerez dans l’ombre son retour. Arpentant les terres des vivants, vous instillerez la révération de la mort. Partout où vous irez, vous planterez la graine qui fleurira à son retour. L’ordre garde la fragile frontière entre le Royaume d’Alarian et les plaines de cendres où errent les âmes des morts attendant d’être jugées, l’ordre soutient le Noir-Sceau, rempart des vivants contre l’horreur, mais l’ordre sert le Dieu de la Mort, jusqu’à ce que tout ne soit plus que cendres. Hérauts ! Vous servez le Royaume et le Noir-Sceau, mais vous exercez votre sacerdoce au nom de Morn et son avatar. Quand les Cendres appellent, vous répondez. Vous irez où le Destin portera vos pas, et après vous, le culte restera, impensé, inexprimé, mais pour toujours au fond de l’esprit du commun. Allez. Des cendres vous êtes les hérauts. Des âmes vous êtes la faux.”

L’heure approche, les nuages s’amoncèlent, je le sens. Bientôt, le tonnerre crèvera le ciel et plus rien ne sera comme avant. Le retour des Dieux est-il un bon présage ou l’annonce de la fin du monde pour qu’un nouveau puisse renaître des cendres de l’ancien ? Tout n’est que cycles… Mais je ne sais pas si le Lindo lui-même a bien saisi la portée de sa philosophie.

Brume… Tu penses trop. Agis. Aie confiance. En toi. En tes compagnons. La roue du Destin est lancée et tu ne saurais l’arrêter.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 57ème jour du Printemps
Elle est la frontière,
Elle le lien. Conquérante
Civilisation.

J'aime cette route. Elle est l’image parfaite de la civilisation traçant à la pointe de l’épée la limite entre la sauvagerie et l’humanité. Par ces routes coule le sang du royaume, sur ces routes s’écoule le sang de ceux qui le garde.

Novembre à une âme prompte à répondre à l’appel de la liberté, Krul également. Teadon… Je ne saurais dire. Mais la limite entre la liberté créatrice et le chaos destructeur est souvent mince.

Tu es mal placée pour juger, Brume. Ne te souviens-tu pas ?

Je préférerais oublier. Mais on ne peut ignorer le chemin que l’on a parcouru. En revanche, il ne doit pas nous peser.

Et pourtant, tu mets tant d’énergie à faire comme s’il n’avait jamais eu lieu.

C’est faux. C’était mon Destin d’errer dans l’ombre, de profaner, de craindre la mort avant que d’entrer à son service. Celui qui n’a jamais vu la noirceur au fond de son âme peut-il chercher réellement à s’élever pour laver ses pêchés ?

Tu te justifies dans la contrition. Ton Destin était dans cette nécropole, certes, mais n’aurait-il pu advenir autrement ?

Je… Je ne sais pas. Peut-être. Mais cette faiblesse sera ma force. Je sers l’ordre.

Vraiment ? Ne penses-tu pas avoir raison malgré les enseignements de l’ordre ?

Je sers Morn et Cestax. Je n’ai besoin de nulle autre raison.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 316, 61ème jour du Printemps
Le bout du chemin,
Mon Destin derrière ces murs.
Est-ce donc la fin ?

Mille visages flous, un temple du Lindo vivant, un temple du Noir Sceau vide. Hasard ou présage ?

Mon pas se fait moins assuré à mesure que nous approchons.

Tu as poussé pour faire le tour. Pour perdre un peu de temps, retarder le moment de franchir les portes. Tu as peur qu’elles ne se referment… Sur ta liberté ?

Et si les autres avaient raison ? Et si la loi du royaume n’était qu’une prison, destinée à briser le cycle ?

Tu admets que tu aurais pu avoir tort ? Quelle surprise.

J’ai trop souvent eu tort et mon entêtement m’a toujours coûté.

N’est-ce pas ton entêtement qui t’a mené là où tu es, Hiérophante ?

Sans Vargar…

Un autre aurait reconnu ta valeur. Combien peuvent se vanter d’avoir vaincu un dragon ?

Je ne l’ai pas vaincu. Krul, Teadon… Novembre l’ont vaincu. J’ai juste survécu.

Même si cela était vrai, c’est déjà un exploit. Et tu as triomphé de l’épreuve.

A quel prix ? Ai-je triomphé ou n’ai-je fait que ne pas échouer ?

Brume… Comment veux-tu avancer si tu te perds déjà dans ces sophismes torturés et tortueux ?

Que faire ? Urgosh saura.

Tu le sais déjà, Brume. Tu le sais déjà. Et tu es la seule à l’ignorer.
Les portes se sont refermées. Ne te reste plus qu’à avancer.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 3ème jour d’été
L’apogée, triomphe,
Lauriers, Couronne d’épines ?
Prélude à la chute.

Non. Non. Nooooooon !
Par les Sept Enfers, pourquoi ? Pourquoi maintenant ?
Morn, pourquoi ne réponds-tu plus à mon appel ? Pourquoi n’entends-je plus ta voix ?
Tout ça par la faute de ce mage de pacotille. Qu’il soit maudit sur sept générations, que Baal lui dévore le cœur !

Brume !

Je vais le tuer de mes propres mains. Son sang apaisera peut-être les Dieux.

Brume, c’est injuste.

Oui, mais ça soulage. Cela servira au moins à ça.

Brume…

Dans un marais en plus ! Un marais. Je hais les marais plus encore que la forêt.

Je croyais qu’il n’y avait rien de pire que les villes.

J’ai changé d’avis. Et ce soleil qui refuse de se coucher !

Brume.

Je ne sais pas ce qui me retient d’étriper cet avorton pour lire l’avenir dans ses entrailles.

Kruk.

Grrrmmbll.

C’est bon, Brume Urne-brisée, tu es calmée ?

Non. Oui. Peut-être.

Bien. Laissons de côté ce pauvre Clovik. Dois-je te rappeler que tu es maintenant Archonte de l’Ordre des Sentinelles de Cendres ?

Je sais. Merci de remuer le couteau dans la plaie. Je suis seule…

C’est faux, et tu le sais. Écoute-moi bien, Héraut des Cendres. Où es-tu ?

Je… En Osgild. Je crois. Pour ce que ça m’apporte.

Et qu’y a-t-il en Osgild ?

Je peux te dire ce qu’il n’y a pas. De culte de Morn.

Ah. Bien, un peu de lumière, enfin. Pas de Culte de Morn. Pas d’ordre des sentinelles de cendres. Sauf…

Sauf…Moi. L’archonte Brume Urne-brisée. Plus haut représentant du culte en ces terres impies. Héraut des cendres et à ce titre, plénipotentiaire et missionnaire de l’ordre.

On progresse ! Contente de voir que tu arrives de nouveau à penser droit. Quel est le plan ?

Convertir Osgild au culte de Morn, quoi d’autre ? Planter la graine qui deviendra Son église. Je crierai ma foi jusqu'à l'invoquer ici bas.

Il n’y a pas une histoire de dragon à terrasser ?

Ah oui, ça aussi. Sortons de ce marais, nous avons du pain sur planche. Où est passé Clovik ?

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 3ème jour d’été
Contemple le gouffre,
Entends l’appel du Dragon.
Fin d’une aventure.

Je regarde en moi et je ne vois qu’un vide immense qui me contemple. J’ai envie de me laisser sombrer dans ce néant. La douleur du corps n’est rien comparée à celle de l’âme.

Et pourtant, tu ne le feras pas.

Pourquoi ? A quoi bon lutter ?

Pour honorer tes promesses, pour être fidèle à tes serments répétés. Pour Kruk. Pour Novembre. Pour les Griffes.

Pour Teadon. Mais il est… parti.

Pourtant il est toujours là. Tu le sens, n’est-ce pas ? Ce n’est pas qu’un souvenir.

Le lien s’est… transformé. Mais il n’est pas mort, non. Je le saurais. Il est juste… Parti. Est-ce que cela signifie que tout espoir est perdu ? Que nous sommes égarés dans ce marais putride, loin de tout ce qui fait sens à nos yeux, pour y disparaître, les uns après les autres ?

Brume. Ne me déçois pas. Face au deuil, quel est ton rôle ?

Être l’amer dans la tourmente. Le havre dans la tempête. La flamme dans la nuit.

Tu connais encore ton credo. Quand plus rien n’est sûr…

Fies-toi aux Écritures. Oui. Ai-je le choix ?

L’a-t-on jamais ?

Je ne fléchirai pas.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 3ème jour d’été
Un pas en avant,
Tourne la roue de nouveau.
Deux pas en arrière.

Par les Sept Enfers ! Encore ce maudit sortilège ! J’en ai l’estomac encore retourné.
Morn… la farce tragique se poursuit. Qui sera le prochain à s’effacer dans l’éther, appelé par sa nature profonde ? Quel Fiélon voudra réclamer mon âme pour ses sombres desseins ? Je prie Morn de me donner la force de protéger ma Foi et mon Être.

Brume…

Ou alors… Sommes-nous piégés dans une boucle temporelle infinie ? A jamais condamnés à reproduire la même journée ? Quelle torture est-ce là ? Je vais devenir folle si…

Brume Urne-brisée ! Il est temps d’arrêter de divaguer et de te montrer digne de ton nouveau rang, Archonte de Morn ! Trempe ta Foi dans l’épreuve et triomphe. Si tu veux mourir de nouveau, tu n’as pas le luxe de t’abandonner au désespoir avant.

Oui…Oui. Il y a un sens derrière tout cela et nous le découvrirons. Les statues… Je suis certaine qu’une des clefs pour comprendre ce qui nous arrive est dans les statues. Comment… Oh. Par la malepeste.

Et oui… Qui vas devoir s'accommoder de Clovik encore un peu ? Qui sait, peut-être finiras-tu par l’apprécier ?

Passons. Je suis curieuse de savoir pourquoi KordrassKed’ a eu la malchance de nous rejoindre. Rien n’arrive par hasard, même si les voies des Dieux sont impénétrables.

Souviens-toi des paroles des paroles de Vargar. “Accueille les mânes de la Destinée. Celui qui leur tourne le dos ne peut que provoquer sa chute car il ne verra pas son Destin advenir, aveugle aux chemins à lui offerts. Ouvre les yeux et fait face aux épreuves. Trouve ta voie et suis la.”

Facile à dire quand on marche dans un marécage...

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 6ème jour d’été ?
Purgatoire humide,
Chemin de croix si putride.
Entre mort et vie.

Je suis fière de toi Brume. Trois jours et tu n’as toujours pas étranglé Clovik. Tu progresses !

Tss… Tant qu’il ne tente pas d’invoquer des héros morts et enterrés depuis longtemps, il sait se montrer marginalement utile. Et lui ne tente pas de se jeter dans les bras de la première sirène venue.

Allons, tu lui trouves des qualités ?

Il a su survivre jusqu’ici. C’est une qualité. Et…
Non… Passons.

Tu es troublée.

Oui. On le serait à moins. Trois jours sont passés. Je crois. Et nous n’avons pas été rappelés aux statues. Serait-ce le signe que nous pouvons aller de l’avant ?

Avez-vous le choix ?

Non. Nous suivons la pente de la fatalité. Comme toujours.

Un jour, il faudra que tu interroges ta notion de Destin et ton libre-arbitre.

Hérésie.
Je… Les statues. J’ai cru y déceler le reflet de nos silhouettes… Et si nous étions bien les héros du passé ? Et si Clovik avait en fin de compte réussi ?

Tu sembles lui prêter grand crédit.

Non. Enfin, pas vraiment, mais on ne saurait exclure une intervention divine pour nous amener ici. Et je m’interroge. Si nous étions bien ces héros, cela veut dire que certaines âmes au moins peuvent… se réincarner.

Hérésie ! Tu le sais… A moins que…

Oui. Le retour de Cestax. Les implications sont vertigineuses.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 6ème jour d’été ? Comment savoir…
Horreur et ténèbres,
S’enfoncer jusqu’au noir coeur.
Pour guide, la peur.

Brume Urne-brisée, la semi-fiélone porteuse de lumière. Cruelle ironie qui m’obsède au cœur de cette forêt maudite. J’ai mal au bras à force de serrer cette fiole comme si c’était la dernière chose qui me raccrochait à la réalité.

La réalité… Toi qui as vu au-delà du voile, ne dirais-tu pas que c’est un concept aux contours changeants ?

Pitié, je n’ai pas besoin de me poser ce genre de questions, pas maintenant. Pas ici.

Ici ? Maintenant ? Parles-tu de cet étrange marécage soit-disant à l’autre bout du monde, au soleil presque immobile ? Dont le temps s’écoule si lentement, si… Différemment ? Si personne n’a répondu à ton appel, peut-être est-ce parce que tous ceux que tu connais sont morts il y a bien longtemps ? Ou ne sont-ils pas encore nés ? Et toi ?

Moi ?

Existes-tu vraiment ? Ou bien n’es-tu que le fragment d’une histoire imaginée par un autre ? Clovik ? Kruk ? Novembre ? Cordrass’ked ? Et eux, sont-ils réellement présents ?

Nous avons combattu ensemble. Saigné ensemble. Avant, là-bas. Ici, même au cœur des ténèbres. J’entends leurs cris, je sens leur souffle, je ressens leur douleur, je vis leur peur.

Car elle est tienne. N’est-ce pas ? Mais de quoi as-tu peur au fond ? Des démons ? De l’ombre ? De toi-même ? D’être ? Ou…

De n’être plus… De m’effacer doucement. Les ombres m’ont toujours accompagné, mais celles-ci sont différentes… Elles… boivent mon âme. J’ai peur de m’étioler et d’être soufflée comme on disperse la fumée.

Brume devenue brume… Poétique. Et terrifiant. Peut-être devrais-tu fuir ?

Ha ! Pour aller où ? Nous sommes déjà perdus. Nous n’avons d’autres choix que de continuer vers le désespoir.

Et la mort.

Cela me rassurerait. Je connais la mort.

Toujours attirée par l’abysse. Tu n’as pas tant changé, petite fille.

Tais-toi.

Bien. Laisse l’effroi passer sur toi, à travers toi. Laisse la douleur te tremper, la rage froide t’aiguiser, archonte de Morn.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 3ème jour d’été
Amère victoire,
Les ténèbres dissipées.
Une ombre en creux.

Survivre aux horreurs de la nuit éternelle pour perdre tant une fois la lumière revenue. Le prix pour marcher vers son Destin est bien grand. Aurais-je la force de continuer ?
Et pourtant… Kruk, mon ami, tu as fait ton choix, la destinée t'entraîne sur une autre voie. Je pleure ton départ mais je me réjouis de savoir que tu as entendu son appel.

Des larmes, voilà qui ne te ressemble guère. T’es tu déjà demandée ce que tes choix avaient provoqué chez les autres ?

Non… Je comprends maintenant. Merci cher Gargante pour cette leçon.

Et il n’est pas mort…

Non… Mais l’écoulement du temps est tel en ce lieu maudit qu’il a choisi d’arpenter, que n’est-ce pas tout comme pour nous ?

Toujours aussi optimiste, Brume… Garde ça pour toi, veux-tu bien ? Tu n’es pas seule.

Novembre. Je suis là. Je serai là.

C’est en perdant une chose qu’on en mesure la valeur. Prends soin de Novembre, Kruk compte énormément pour elle. Et n’oublie pas Cordrass’ked, qui est aussi seul que vous ici.

Un pas devant l’autre, le chemin se poursuit, dans l’ombre comme dans la lumière, dans la joie comme dans la douleur. Les griffes vivent toujours.

Bien. Vous aurez besoin les uns des autres.

Oui.
Par Morn, je hais ces marais.
Maudit soit celui qui nous y a conduit.
Kruk, tu me manqueras.
Je hais ces marais.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 4ème jour d’été
Une à une parties,
Nouvelle histoire à écrire.
Les griffes ne sont plus.

Je sens encore la morsure des flammes, glacées et voraces. Je les sens me dévorer, mettant mon âme à nue. J’ai cru cette fois encore ne pas en revenir. Comment l’expliquer, c’est comme si j’allais à chaque fois plus loin vers la Citadelle… Et le lien qui me retient à ce plan m’a semblé plus ténu…

Brume, est-ce que tu te rends compte que tu as failli y rester pour de bon ?

Oui… Mais avais-je le choix ?

On a toujours le choix, Brume. Toujours. Regarde Kruk. Novembre.

Oui… C’est vrai…

Mais tu le referais sans hésiter, n’est-ce pas ?

Oui. La Mort Perdue.

Ta voix tremble.

J’ai peur.

Tu n’es peut-être pas complètement irrécupérable. Essaie d’en parler aux autres. A Nov… Ka-Ambre.

Elle a déjà beaucoup à penser pour elle-même… Et un autre dragon à tuer.

Je retire ce que j’ai dit. Vous êtes irrécupérables. Tâchons au moins de ne pas mourir.

Je ferai ce que je peux.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 5ème jour d’été
Mage irrésolu,
Parenthèse inattendue.
Retrouver le temps.

L’ordre a bien raison de se méfier des mages. Un élémentaire d’eau dans le puits ? Vraiment ? Tuez-moi !

Attention à ce que tu souhaites… Son goût pour la tranquillité pourrait pourtant vous être utile.

J'aurais préféré éviter le passage par la case noyade. Même si on ne s’en est pas trop mal tiré, c’est vrai. Mais si Nov… Ka-Ambre ne s’en était sortie, je ne…

Elle s’en est tirée. Elle a de la ressource, tu le sais. Et Clovik aussi, non ?

A part manquer de nous faire tuer en omettant de légers détails…

Brume.

Je sais. Il n’est pas si mal. Je ne le tuerai pas tout de suite. Et de toutes manières Cordrass’ked ne me laisserait pas faire.

Oui, c’est un noble compagnon. Vous formez une belle équipe. Ne reste plus qu’à…

Trouver un dragon à tuer.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 6ème jour d’été
Une âme perdue,
Prisonnier du temps passé.
Une âme damnée.

Les mages cachent de lourds secrets. Il ne m’appartient pas de juger, mais d’autres pourraient trouver à y redire. Qui sait quels sacrifices ont été nécessaire pour créer la Chronosphère.

Nécromancie ?

Peut-être, je le crains. Et le temps nous est compté. laisser ces malheureux à leur triste sort serait les condamner à avoir leur âme à jamais prisonnière de ce plan, sans jamais pouvoir connaître le jugement de Morn. Cela ne doit pas advenir. Quant aux écorchés… Ces abominations doivent disparaître.

Voilà de quoi occuper le corps et l’esprit. Laisse les tourments de ton âme de côté pour le moment, les réponses viendront en leur temps.

Et les actes également.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 7ème jour d’été
Course contre le temps,
Héros, valse hésitation.
Ombre du passé.

Avons-nous un autre choix que nous lancer à corps perdu dans la quête des composants pour mettre en œuvre la chronosphère ? Nous parions nos vies et nos âmes pour sauver tous ces pauvres hères pétrifiés dans leur sommeil. Pourquoi ?

Tu connais la réponse.

Parce que nous sommes les seuls à pouvoir le faire, ici et maintenant. Parce que le devoir commande. Parce que l’échec n’est pas envisageable. Parce que je veux pouvoir me regarder dans une glace si je m’en sors.

Et parce que c’est ce qu’il faut faire. Quand le destin ne t’offre qu’une voie, emprunte-la.

Bien. Des larmes d’enfant. Et maintenant… Allons chasser des cockatrices et saigner un loup-garou. Ce mage avait prévu beaucoup de choses. Le temps lui a-t-il manqué ou bien avait-il envisagé aussi cette possibilité ? Ah, une seule manière le savoir. Morn, Cestax, guidez nos pas et soutenez notre bras.

Des cendres je suis le héraut.
Des âmes je suis la faux.

An 346 de Bastion, 8ème jour d’été
Se débattre en vain,
Prise dans les rets de brume.
Je hurle en silence.

— J'entends la pluie.
— Pourtant le ciel est clair. Est-ce un rêve ?
— Un cauchemar plutôt. Je connais cette pluie. Je l'ai déjà entendue.
— Pourquoi un cauchemar ?
— Ce crépitement humide. Je ne me souviens plus. Ou alors je me souviens trop. Ce bruit est le
synonyme d'une terreur effroyable. Comme la pluie mouille le papier, cette terreur s'insinue en moi,
imbibe jusqu'à mes os.
— Brume.
— Je veux me débattre mais mon corps ne répond plus. Je ne sais plus bouger. Je suis impuissante.
— Brume !
— Bientôt je ne puis même plus penser. Même l'idée de la mort ne m'apporte plus aucun réconfort.
— Brume Urne-brisée, archonte de Morn, ressaisis-toi, par Cestax !
— Quoi ? Je... Oh. Il fait jour. La voile qui s'efface à l'horizon... Ils sont saufs. Pourquoi suis-je glacée de
sueur ?
— Parce que... Non. Ce n'est rien, Brume, sans doute le résulat du combat. Pense plutôt aux épreuves qui
vous attendent mainenant. Concentre-toi sur le chemin qui s'ouvre dans les ténèbres.
— Oui. Pour Morn. Pour Cestax. Pour nous.

Des âmes je suis la faux.
Des cendres je suis le héraut.

An 346 de Bastion, 10ème jour d’été

Haine chauffée à blanc,
Âme noire ou âme vide ?
Le glas retentit.

— Je le hais.
— C’est l’amertume qui parle, laisse le temps la diluer.
— J’aurais du le réduire en cendres bien avant, écouter mon instinct et…
— … Lui donner raison ? Tu me déçois Brume. Tu vaux mieux que ça.
— Je…
— N’est-ce pas toi qui parlait de choix et de pouvoir sur sa propre nature ?
— Si. Je sais, je sais. Mais j’ai entendu mon père dans ses mots. On ne peut échapper à sa nature !
Demi-fiélon, la souillure est en toi, sur toi. Tu ne sers pas le mal, tu es le mal incarné, littéralement…
Aujourd’hui encore ces paroles me blessent comme une dague effilée.
— Tu es la preuve qu’il avait tort. Qu’ils ont tort. Ce n’est pas de sa nature qu’on est prisonnier.
— C’est à son Destin qu’on ne peut échapper.
— Intéressant paradoxe, ne trouves-tu pas ? Ta définition de l’inéluctable pourrait être jugée... ineffable.
— Arrête, on dirait Vargar. « Tu es pétrie de certitudes, jeune Brume. Et pourtant, au milieu de tes
illusions puériles, je décèle des éclairs visionnaires. Raffine ces perles et sors les de la gangue de tes
préjugés, ainsi tu progresseras vers l’illumination. Tu as du potentiel, ne le gâche pas en vaines croisades. »
— Il était sage.
— Je sais.
— Il te manque.
— Oui. Aujourd’hui, je ressens la cruelle morsure du deuil.
— Voilà des propos à la limite de l’hérésie, Archonte.
— Ne suis-je pas déjà les deux pieds dedans, avec mes théories sur Cestax ?
— Probablement. Tu souris, voilà qui est mieux. Peut-être pourrais-tu…
— Pardonner Clovik ? Certainement pas. Je dois d’abord savoir comment juger une âme incomplète. Après… Nous verrons.
— Parle-lui de Morn. Il est persuadé que son âme est noire. Lavée avec les cendres, elle peut en ressortir grise… Qui sait, c’est peut-être un signe ?
— C’est une idée. Qui attendra demain. Je dois ruminer… Méditer.
— C’est cela, médite, jeune Archonte, médite.

Des âmes je suis la faux.
Des cendres je suis le héraut.

An 346 de Bastion, 10ème jour d’été
Plume dans le vent,
Arabesques de poussière.
Vision éphémère.

— J’ai aimé ça.
— Et c’est plutôt une bonne chose, non ?
— Non. Je déteste ça.
— Il faudrait savoir.
— Je déteste avoir aimé ça… Cette sensation grisante, cette poussée d’adrénaline au moment de fracturer la fenêtre…
— Du déjà-vu. Tu goûtes à nouveau un plaisir interdit.
— Je ne suis plus celle qui aimait ça.
— Tu es la même. Mais différente également. Cela fait partie de toi.
— Je ne veux pas !
— Ce que tu veux importe peu. Accepte-le. Tu es cette Brume et tu es plus qu’elle.
— Oui… Je ne sais pas pourquoi je panique. Ou plutôt si. Maintenant, je sais pourquoi. Ils me font peur.
— Ah. Eux.
— Ceux qui murmurent à mon oreille…
— … Avec la voix de ton père. Eux.
— Les démons. Mes démons.
— Il te faudra bien les affronter un jour.

Des âmes je suis la faux.
Des cendres je suis le héraut.

An 346 de Bastion, 10ème jour d’été
Des cendres aux cendres,
Que dansent les éléments.
Poussière des âges.

— Nous étions attendus.
— Cela te surprend encore ?
— Non… Mais cela reste perturbant. D’abord les statues, maintenant une magie centenaire… Il nous faut des réponses.
— Je ne vois pas trente-six solutions.
— Certes. Il faut réveiller le maître de Clovik.
— Tu sais ce que cela veut dire.
— Oui. Il va devoir affronter sa nature profonde. On n’échappe pas au Destin si facilement.
— Puisse Morn lui venir en aide.
— Si ce n’est Morn, je m’en chargerai…

Des âmes je suis la faux.
Des cendres je suis le héraut.